Après quoi tu cours?

J’ai beaucoup réfléchi à l’importance de « prendre soin de soi » cet été. Ou, plus précisément, de pourquoi on ne le fait pas.

« N’oublie pas de prendre un peu de temps pour toi ». « C’est important que tu aies de bonnes heures de sommeil et que tu sois actif, ça peut régler ou t’épargner un tas de problèmes de santé ». « Tu pourrais essayer le yoga ou la méditation pour calmer ton anxiété »? « Tu sais que tu as le droit de dire non, des fois, hein »? Je passe mon temps à proposer aux gens des façons de prendre soin d’eux. Mais oui, je sais: prendre soin de soi nous semble donc bien difficile, par moment!

Précipitée vers une période de repos en raison d’un combo entorse plus fracture au pied dont la cause est un peu louche (tu me parleras de Cotton Eye Joe si tu me croises), j’ai beaucoup réfléchi à l’importance de « prendre soin de soi » cet été. Ou, plus précisément, de pourquoi on ne le fait pas. Parce que oui, j’avais déjà remarqué qu’à certains égards, je suis plutôt cordonnier mal chaussé dans ce domaine. Dire oui à toutes les offres de travail, surcharger mon agenda, penser que je peux faire quinze tâches complexes en trois heures, réduire mon temps avec mes proches et mes heures de sommeil jusqu’à être complètement épuisée (ou parfois blessée); bref, me prendre pour Superwoman est un « pattern » qui revient souvent dans ma vie. Mais pourquoi, diable, se pousse-t-on autant ???

 

Si on n’en fait pas assez, si on n’est pas assez beau, si on ne performe pas, sera-t-on jeté; rejeté? Va-t-on juste disparaître, effacé par l’algorithme de l’importance que nous accorde notre entourage?

En prenant quelques minutes pour y réfléchir, assise à relaxer dans ma jolie cour dont j’ai profité trop peu les dernières années (par manque de temps, bien sûr...), mon cerveau commence à vomir. Voici à quoi ressemblent beaucoup de vies en 2019. 

Ça sent le stress!

Nous sommes dans une ère de prêt-à-consommer, de relations virtuelles qu’on accepte et qu’on jette à coup de « swipe à droite » et de boutons supprimer; une ère de hashtag c’est-défectueux-on-débarrasse-au-lieu-de-réparer. La surexposition à la publicité nous porte à croire qu’il faut posséder un million d’objets et d’applications pour être « in » et bien dans sa vie, ou pour au moins avoir quelque chose à montrer sur les médias sociaux. Il faut que ce soit neuf et dernier cri, bien sûr.

On est stressés parce qu’on ne gagne pas assez, ou on travaille davantage pour payer tout ce dont on a supposément « besoin ». On manque de temps pour tout, parce qu’on nous fait croire qu’on doit tout faire. On revient du chalet épuisé (tsé, le chalet où on va pour relaxer!). Passer du temps avec les enfants se retrouve sur la liste de tâches. On carbure au café et on a des rages de bouffe parce qu’on manque de sommeil (oui, oui, le manque de sommeil ça fait ça, entre autres). On prend du poids, alors on paye pour aller s’entraîner (la santé c’est important!); on s’y rend en voiture. Parce qu’on manque temps...

J’en passe à propos du temps qui nous glisse entre les doigts sur nos téléphones « intelligents » (abrutissants?), de toutes ces choses qu’on se promet de faire pour être plus écolo et des nombreuses autres responsabilités qu’on porte dans notre sac à dos. Après tout ça, on se sent parfois un peu névrosés (tiens donc!). Pendant ce temps, le nombre d’enfants aux prises avec des troubles anxieux, du stress de performance et des « burn-out » augmente à un rythme effrayant. Parce que oui, cette anxiété de vouloir tout et d’espérer tout faire est une infection transmissible... relationnellement! On oublie parfois à quel point nos petits êtres vivent, absorbent et adoptent comme le leur, ce mode de vie stressé et épuisé. Ce dernier finit aussi par effriter les relations conjugales. Bref, c’est plein de bonnes raisons de ralentir…

Alors après quoi tu cours?

T’es-tu déjà demandé si ce n’est pas juste de la peur? Peur de passer dans le tordeur si on n’est pas assez bons. Comme la tonne d’objets et d’amis virtuels qu’on met au rancart si facilement. Si on n’en fait pas assez, si on n’est pas assez beau, si on ne performe pas, sera-t-on jeté; rejeté? Va-t-on juste disparaître, effacé par l’algorithme de l’importance que nous accorde notre entourage?

Ferme les yeux; prends trois belles et longues respirations. Et pose-toi la question: après quoi je cours? De quoi ai-je le plus peur dans ma vie?

Si tu t’es rendu jusqu’ici dans mon texte, je devine que tu te sens concerné, interpellé d’une quelconque façon. Alors je t’invite à t’asseoir quelques minutes à un endroit tranquille que tu apprécies. Peut-être que ce sera dans cette cour que tu négliges, toi aussi...? Go, ose le faire! Ferme les yeux; prends trois belles et longues respirations. Et pose-toi la question: après quoi je cours? De quoi ai-je le plus peur dans ma vie?

Réduire l’anxiété

D’abord, il faut savoir qu’éviter de parler de ce qui nous ronge et ne rien faire pour y remédier sont des engrais très nourrissants pour l’anxiété. Aborder nos problèmes de front, oui c’est inconfortable et épeurant; mais c’est la plupart du temps la manière la plus efficace de se libérer.

En psychologie, une technique pour traiter l’anxiété consiste à déconstruire une peur en se demandant quelle serait la pire éventualité si cette chose se produisait. Prenons un exemple assez courant, la peur de manquer d’argent. On pourrait se dire : « Je crois que je ne gagne pas assez. Mais pourquoi ai-je tant besoin de plus d’argent? Est-ce que j’ai peur de manquer de bouffe dans mon frigo, ou c’est plutôt relié à l’image que j’ai peur de projeter? Si oui, pourquoi? Est-ce que je pourrais perdre des amitiés si je ne peux plus suivre leur rythme de vie? Pourquoi ces personnes me délaisseraient-elles? Quelles sont les conséquences réelles possibles? ». La même question de départ pourrait mener à une foule de réponses différentes selon l’individu. Dans cette discussion avec nous-même, il est d’abord important d’être honnête, et aussi de noter que, selon moi, on commence à mettre le doigt sur les véritables enjeux (peurs) seulement après s’être demandé PLUSIEURS fois « pourquoi? ». Alors n’hésitons pas à creuser le problème… Et aussi à se demander jusqu’à quel point les conséquences sont graves. Souvent, on est stressés comme si un incident nucléaire était en jeu; alors qu’en réalité, lâcher prise aurait pour seule conséquence de nous laisser respirer un peu!

Après avoir bien cerné le fond (la source) réelle de notre peur, on peut noter toutes les solutions qui nous viennent en tête, de la plus simple à la plus loufoque. Souvent, en procédant par tempête d’idées, on réalise qu’il y a des solutions et que la peur qui nous ronge est en réalité maîtrisable. On peut même pousser la curiosité en faisant l’exercice sur le coup, puis plus tard, lorsqu’on est calme, et comparer les solutions qui auront émergé. Il y a fort à parier que des prises de conscience émergeront aussi.

Demander de l’aide: oui, ça se fait!

Si, après avoir déconstruit notre peur, on croit toujours qu’il y a un véritable problème et qu’il nous dépasse, il est peut-être temps de demander de l’aide. Que ce soit en parlant avec une personne concernée par notre peur, pour vérifier notre appréhension et tenter de la déconstruire à deux; ou encore en demandant de l’aide d’un professionnel. Oui, un psy. Non, ce n’est pas pour les fous et il n’y a rien de gênant à consulter un psychologue, contrairement à ce que plusieurs croient. C’est comme aller voir le médecin quand on mal quelque part! Il s’agit d’en trouver un bon, qui va bien saisir nos besoins et y répondre. Si tu veux des trucs pour ça, écris-moi… Je ferai peut-être un autre article à ce sujet. 😉

C’est important de se rappeler qu’il y a TOUJOURS des solutions. À partir de maintenant, chaque fois que tu te sens nerveux(se), stressé(e) ou anxieux(se); que ce soit dans ton rôle de conjoint(e), de parent, d’employé(e), d’ami(e) ou autre; pense de t’arrêter et d’identifier ta peur. D’en cerner les formes et les causes. Amuse-toi à la déconstruire au maximum par des « Et si... » et des « Pourquoi ». Si elle continue de t’envahir, demande de l’aide (t’inquiète, ça fait beaucoup plus peur que mal).

C’est l’été. L’été, un moment où on devrait se permettre de relaxer un peu et faire des réserves de vitamine B (lire passer du temps dehors). Quel est le pire qui pourrait arriver si tu oses prendre le temps de prendre soin de toi? Je parie que ce sera plutôt le « mieux » ... 😊